Elles pourraient, le temps aidant, se fusionner dans notre imaginaire collectif. Comme Jack et Arnie. Ou Kathy Whitworth et Mickey Wright. Ou encore Bobby Jones et Walter Hagen. Une rivalité qui marque une génération.
Voilà une possibilité très réelle. Pour l’heure, elles ne sont que des adolescentes, si prodigieuses soient-elles. Devant elles s’ouvre le vaste monde du golf qu’il leur reste à explorer dans toutes ses nuances.
Ko contre Henderson… Cela sonne bien… Deux noms que l’on dirait faits pour scintiller côte à côte sur la marquise…
Lydia Ko et Brooke Henderson seront les têtes d’affiche du tableau par ailleurs très relevé de l’Omnium féminin Canadien Pacifique qui aura lieu du 25 au 28 août au club Priddis Greens de Calgary (Alberta). Deux scénarios, un objectif identique.
Ko tentera de décrocher son quatrième titre canadien en cinq ans, un exploit exceptionnel, surtout compte tenu de son âge. Henderson, elle, visera son premier championnat national, haut fait qui n’a été accompli qu’une fois par une Canadienne, soit Jocelyne Bourassa en 1973.
Vu leur âge, leur habileté et leur quête de l’excellence, les passionnés de golf salivent à l’idée de les voir s’affronter pendant des années. Les grandes rivalités sont toujours bénéfiques, tous sports confondus.
Et si, effectivement, cette rivalité se confirmait, le premier acte a déjà été écrit : Henderson qui, d’une distance de 155 verges, frappe un coup de fer 7 à 3 pieds du trou. S’ensuit un oiselet facile et son premier titre majeur, celui du Championnat de la LPGA KPMG au Sahalee Country Club, près de Seattle (Washington). Une victoire d’autant plus éclatante qu’elle a été signée en prolongation contre Ko, 1re du classement mondial. Henderson a affiché ses couleurs : désormais, quel que soit le tournoi, elle sera une aspirante au titre.
Le plus beau, c’est l’attitude de ces deux jeunes femmes. Pourquoi les rivalités prendraient-elles l’allure d’un duel au pistolet quand elles peuvent reposer sur l’admiration mutuelle et une ambition commune? Et que la meilleure gagne!
« C’est une fille très sympa », s’enthousiasme Henderson en parlant de Ko. « Son but n’est pas de battre ses adversaires, mais de battre le parcours, d’être elle-même meilleure. À mon avis, il n’y a pas meilleure façon d’envisager le golf et la compétition. J’essaie moi-même de faire la même chose. »
Et d’ajouter : « Le golf est une affaire d’honnêteté, de persévérance et de respect, et elle en est l’exemple parfait. C’est vraiment cool. Elle a 19 ans, je vais les avoir bientôt. J’espère que notre rivalité, à défaut d’un autre mot, durera plusieurs années et que cet esprit d’émulation nous rendra encore meilleures. C’e serait bon pour nous et pour le golf. Ce serait formidable de nous affronter en prolongation comme au tournoi KPMG pendant une dizaine d’années encore, même si je perdais. Cela signifierait que je serais encore au plus haut niveau, à son niveau à elle. »
Britta ny, sœur de Brooke et sa cadette occasionnelle, qui aspire évoluer un jour sur le Circuit de la LPGA, affirme que les apparences ne sont pas trompeuses et que l’ambiance à l’intérieur des cordes est on ne peut meilleure.
« Il faut espérer qu’il en sera ainsi, dit-elle en souriant. Je ne parle pas tant de rivalité que du fait de les voir se disputer le titre semaine après semaine. Ce sont deux amies, elles sont toutes deux calmes et tellement mûres pour leur âge.
« Notre père a eu une influence positive sur nous. C’est lui qui nous a initiées au sport et qui nous a montré comment devenir de bonnes personnes. Sans lui, Brooke n’aurait pas atteint ce niveau. Quant à Lydia, je pense que c’est sa mère qui la soutient. Il faut reconnaître le mérite des parents.
« Ce que font Brooke et Lydia est vraiment remarquable. Je ne sais pas comment elles s‘y prennent, mais j’aurais bien aimé connaître leur secret. »
Quand Ko s’est rendue à Calgary plus tôt cet été, la bataille de Sahalee n’avait pas encore eu lieu. Mais elle n’avait que des éloges à faire d’Henderson.
« Je connais Brooke depuis les rangs amateurs », de dire la Néo-Zélandaise, double championne d’un tournoi majeur. « Elle a connu une grande carrière amateur et elle est encore plus impressionnante chez les professionnelles. Elle est une source d’inspiration pour les juniors, le golf féminin et le golf canadien.
« C’est fantastique de la voir se mettre en position de gagner d’une semaine à l’autre. Elle est vraiment impressionnante. Elle est une longue cogneuse, mais elle est aussi régulière et l’une des meilleures sur les verts. Je pense que le Canada aura de bonnes raisons de s’emballer lors des Jeux olympiques. Brooke va contribuer à l’essor du golf au Canada comme Lorie [Kane] avant elle. »
Plus tôt cet été, les deux golfeuses ont eu la chance de se familiariser avec Priddis Greens, un parcours de 6 681 verges à normale 72, Ko au début de juin et Henderson à la fin de juillet.
« Le parcours me plaît, avait alors indiqué Henderson. Il est bordé d’arbres et il y a beaucoup de changements de niveau. Il me rappelle les parcours où j’ai grandi. Les points de vue sont phénoménaux et je suis impatiente d’y revenir dans quelques semaines pour y disputer notre championnat national. J’ai aussi hâte de renouer avec les fans canadiens. Depuis quelques années, le nombre de mes supporteurs à ce tournoi n’a cessé de croître. L’an dernier, ils étaient massés le long des allées, et j’ai hâte de voir ce qu’il en sera cette année. »
Les deux meilleures golfeuses de la planète. L’une, une multiple championne que le Canada a adoptée; l’autre, une fille du cru qui est née et a grandi à Smiths Falls (Ontario).
Les attentes sont élevées à la veille de l’Omnium féminin Canadien Pacifique à Priddis Greens. Une rivalité qui marquera une génération? Comme Nancy Lopez et Pat Bradley? Annika Sörenstam et Karrie Webb? Tiger et Lefty?
L’avenir le dira, mais cette possibilité est très réelle, d’autant plus que ce duo est encore très jeune.
Lydia Ko et Brooke Henderson.
Et si leurs noms se fondaient à jamais dans l’imaginaire collectif? Et de les voir déjà marchant côte à côte le dimanche après-midi, le dernier duo sur le parcours, leurs noms au sommet du tableau, alors que le soleil s’apprête à se coucher et que les ombres s’allongent.