Brooke Henderson

Les golfeurs olympiques canadiens vivront une expérience unique

L’événement est si grandiose, si grisant que certains ont du mal à l’apprivoiser.

Il y a quatre ans, 3,64 milliards de téléspectateurs se sont branchés sur les Jeux de Londres. En 2008, ceux de Beijing en avaient attiré quelque 3,55 milliards. Les Jeux olympiques ont une ampleur inégalée sur la scène sportive.

Pendant 17 jours, plus de 10 000 athlètes de 206 pays se sont donné rendez-vous à Rio de Janeiro. L’enjeu : 306 médailles dans 28 sports dont le golf qui attire beaucoup l’attention, et pour cause.

Voilà un sport qui figure sur l’affiche olympique pour la première fois en 112 ans. À l’époque, en 1904, le revenu annuel moyen d’un Canadien variait entre 200 et 400 $ (22 cents l’heure était la norme), les mots croisés n’avaient pas été inventés, l’espérance de vie était d’environ 47 ans et Wilfrid Laurier était premier ministre. Faut-il se surprendre que le retour du golf dans le giron olympique suscite la curiosité?

Bien sûr, les deux grands circuits professionnels nord-américains provoquent chaque semaine un battage médiatique, tout particulièrement à l’heure d’un championnat majeur. Mais les Jeux olympiques font passer l’intérêt à un niveau supérieur, ce qui comporte un risque, comme l’explique le skieur canadien Brady Leman.

Brady Leman (THE CANADIAN PRESS/Jeff McIntosh?

Brady Leman (THE CANADIAN PRESS/Jeff McIntosh?

« Une première présence aux Jeux olympiques a sa part de danger », prévient le double olympien (Vancouver et Sotchi). « L’envergure de l’événement risque de monter à la tête et de donner le trac. Il y a une mythologie olympique qui relègue pour un moment dans l’ombre toutes les autres grandes manifestations sportives.

« Les golfeurs, les joueurs de tennis et les basketteurs sont habitués à l’attention. Mais les Jeux n’ont lieu qu’aux quatre ans, un athlète peut n’avoir qu’une chance d’y participer dans sa carrière, si bien qu’il est facile de se laisser happer par le tapage publicitaire. Et puis il y a ces détails un peu fous dont il faut tenir compte, des trucs comme les vêtements, les logos, ce qui est permis et interdit de porter.

« Les athlètes sont des êtres d’habitudes, mais avec un événement d’une notoriété mondiale comme les Jeux, il est mieux de suivre le courant. Cela dit, un athlète ne peut se laisser distraire, il doit plutôt solliciter l’aide de son entourage, compter sur eux pour faire face à des maux de tête inhabituels comme l’omniprésence des médias, les défis logistiques de se rendre du point A au point B, la gestion la plus efficace possible de son temps, etc. C’est sans nul doute un défi inusité. »

Les Jeux – particulièrement ceux d’été, beaucoup plus gigantesques que ceux d’hiver – sont tentaculaires, compliqués, frénétiques. La sécurité y est absolue, la circulation, particulièrement à Rio, cauchemardesque. À l’opposé, un tournoi de la PGA ou de la LPGA se déroule sans histoires, comme un court roulé en ligne droite de Graham DeLaet. L’élite mondiale des golfeurs sera plongée dans un univers inédit, y compris le contingent canadien formé de DeLaet, David Hearn, Alena Sharp et Brooke Henderson.

Commençons par le Village des athlètes. Pas de service aux chambres à longueur de journée, mais un mode de vie spartiate, selon les normes d’un pro. Mais il appartient aux individus de mettre à profit ce temps passé dans une ruche d’activités. Pour un athlète curieux, à l’esprit ouvert, c’est une occasion sans précédent de se mêler à un creuset d’athlètes de tous les pays et sports, une chance de se familiariser avec d’autres cultures et d’élargir ses horizons.

Autre écart à la norme : le parcours de style links, une normale 71 de 7 290 verges, conçu par Gil Hanse sur un terrain sablonneux, le long d’une réserve naturelle, dans le quartier cossu de Barra da Tijuca. En raison de la pauvreté du sol et de la pénurie d’eau à Rio, il a fallu installer un gazon appelé Zeon Zoysia qui, résistant à la chaleur, nécessite moins d’azote, de fertilisants, de pesticides et d’eau. Ainsi, le parcours sera différent de ceux auxquels s’attaquent la plupart du temps les pros, ce qui ajoutera à l’inconnu et à l’imprévisible.

Golf Previews – Olympics: Day 1

Chose certaine : cette incursion dans le monde olympique augmentera la visibilité du golf à l’échelle mondiale.

« Les Jeux de Rio contribueront à l’essor du golf », indique la Néo-Zélandaise Lydia Ko, 1re mondiale. « C’est une chance de faire des amateurs de sport en général des amateurs de golf, et nous avons tous et toutes un rôle à jouer. Le golf est un sport très individuel. Évidemment, il y a des compétitions par équipes comme la Coupe Solheim et la Coupe Ryder, où on participe sous notre drapeau plutôt qu’en notre nom propre. Mais aux Jeux, ce sera une sensation différente, et j’ai hâte d’en être. Les cérémonies d’ouverture et de clôture sont à chaque fois une source d’inspiration. Tous les sports convergent, c’est comme une grande famille.

« La pression sera forte, mais je dois bloquer tout ça. Je dois me concentrer sur mon jeu, frapper le coup qu’il faut et me régaler de l’ambiance olympique. Ce n’est pas tous les jours que l’on a la chance de participer aux Jeux olympiques sous les couleurs de son pays. Revenir au pays avec une médaille, c’est super, mais il y a tellement plus. Je sais que cela a l’air idiot, mais il n’y a pas que les médailles. C’est l’expérience qui compte. Il faut jouer de son mieux en espérant toutes les pièces s’emboîteront. »

Pour la première fois en 112 ans, le golf est de retour aux Jeux olympiques. Le tournoi masculin commence le 11 août, celui des femmes le 17. Le golf reste le golf, mais pour le reste, il faudra s’habituer.

De dire Brady Leman : « Mon conseil aux golfeurs, c’est de s’adapter, de savourer l’expérience et de ne pas se laisser déranger par les petits détails.

« Est-ce un tournoi comme les autres? Oui et non. Il faut l’aborder comme ça, mais il reste que ce sont les Jeux olympiques. Finalement, il faut se rappeler que l’on est là parce que l’on fait partie de l’élite mondiale, quel que soit son nom et quel que soit son sport. C’est ça qui compte. »