A lors qu’on devrait l’honorer comme étant l’un des plus grands héros sportifs du Canada, George Seymour Lyon est méconnu au pays, et c’est bien triste.
Mais cela devrait changer cet été lors des Jeux olympiques de Rio de Janeiro, où l’on reconnaîtra enfin son titre de champion olympique, remporté en 1904 aux derniers Jeux d’été où le golf fut disputé dans cette arène.
Mais malgré toute cette attention médiatique, y aura-t-il quelqu’un pour raconter son histoire? Sait-on vraiment qui était cet homme et comment il devint l’athlète formidable qui, après s’être mis au golf dans la trentaine seulement, allait remporter la médaille d’or olympique à 46 ans face à une étoile montante qui n’avait même pas la moitié de son âge? Qui se souvient que, quatre ans après son exploit, Lyon allait être un des premiers sportifs de l’histoire olympique à refuser une médaille d’or, sous prétexte qu’il ne l’avait pas méritée?
« Ce qu’a fait George S. Lyon à 46 ans, et tous les autres accomplissements de sa vie, c’est une histoire fabuleuse, déclare Scott Simmons, chef de la direction de Golf Canada. Il ne fait aucun doute pour moi que, si ses exploits en tant qu’athlète polyvalent, il les réalisait aujourd’hui, sur la scène sportive moderne et dans le paysage médiatique contemporain, plutôt qu’à la fin du XIXe siècle et au début du XXe , nous serions en train de célébrer une des idoles sportives les plus remarquables du Canada. Son histoire est probablement l’une des plus fascinantes des annales du sport. »
George Seymour Lyon est né en 1858 à Richmond, Ontario, non loin d’Ottawa. Il était né pour marquer l’histoire, semble-t-il. Son grand-oncle Robert Lyon a été le dernier à perdre un duel au Canada. Son grand-père George Lyon fut blessé à la bataille de Chippewa durant la Guerre de 1812; une bataille mémorable car c’était la première fois que des soldats de l’armée des États-Unis défaisaient des soldats britanniques sur le champ de bataille.
La famille Lyon déménagea à Toronto où le jeune George allait faire preuve de remarquables talents d’athlète. Quel que soit le sport qu’il pratiquait – athlétisme, baseball, cricket, hockey, tennis, curling –, il y excellait.
À 18 ans, il établit un nouveau record canadien de saut à la perche. Lyon était aussi reconnu comme étant l’un des meilleurs, sinon le meilleur batteur de cricket au Canada, à une époque où ce sport était encore très prisé au pays.
En 1894, lors d’un match opposant son équipe de Toronto à celle de Peterborough, Ontario, il a porté la batte sans coup férir pour 238 points, un record qui a tenu 40 ans. Il était régulièrement nommé capitaine des équipes canadiennes lors de compétitions internationales.
George S. Lyon, assis au centre de son équipe de cricket Canadian International Eleven en 1894. (Archives de Golf Canada)
Lyon était aussi un assez bon joueur de curling pour faire partie de plusieurs équipes et il fut l’assistant capitaine d’un équipe qui remporta la « chope » d’Ontario.
Le golf est arrivé tard dans la vie de Lyon. Il était trop occupé à jouer au cricket, l’été, pour s’y intéresser et considérait même le golf avec un certain dédain.
À 38 ans, selon ce qu’on raconte, il attendait que débute un entraînement de cricket quand son ami John Dick l’a invité à essayer le golf sur le parcours adjacent au terrain de cricket. Après quelques élans, Lyon avait attrapé la piqûre du golf, comme tant d’autres avant et après lui.
Faisant fi du style de jeu de l’époque, il cognait avec toute la puissance dont il était capable, comme s’il frappait une balle de cricket avec sa batte. Son élan, peu orthodoxe sans doute, donnait des distances prodigieuses. S’ajoutant à son habileté d’athlète né, c’est ce qui lui a permis de maîtriser rapidement le golf, si rapidement d’ailleurs que seulement deux ans plus tard, il remportait le premier de ses huit titres – un record – de Champion amateur du Canada.
En septembre 1904, Lyon prenait le train pour se rendre à St. Louis, Missouri, afin de participer aux Jeux olympiques d’été, en compagnie de deux autres golfeurs du Lambton Golf and Country Club qu’il avait aidé à fonder et à aménager dans ce qui était alors une banlieue de Toronto.
À 46 ans, Lyon se qualifie pour la finale en partie par trous, où il doit affronter Chandler Egan, 20 ans, étoile montante du golf américain qui, plus tôt cet été-là, est devenu Champion amateur de l’Ouest et aussi des États-Unis.
Lors de la finale d’une journée sur 36 trous, joués en partie sous une pluie diluvienne, Lyon a gagné par une marge de 3 et 2 pour mériter la médaille d’or olympique (aujourd’hui égarée depuis longtemps) et le majestueux trophée de championnat qui trône au Musée et Temple de la renommée du golf canadien, à Glen Abbey.
Egan, invoquant l’épuisement, s’est retiré à son hôtel tandis que Lyon, dont la presse locale s’était moqué pour son âge et son surpoids, traversait la salle de banquet en marchant sur les mains pour aller recevoir son trophée.
Quatre ans plus tard, Lyon est allé à Londres, en Angleterre, pour défendre son titre olympique. À son arrivée, les organisateurs des Jeux d’été 1908 l’informèrent que le golf avait été annulé en raison d’une dispute autour des règles définissant le statut d’amateur. On lui offrit la médaille d’or par défaut, mais Lyon refusa, disant qu’il ne l’avait pas méritée.
George S. Lyon allait continuer de participer à des compétitions de golf pendant de nombreuses années et siégea comme administrateur de l’Association Royale de Golf du Canada (aujourd’hui Golf Canada) dont il fut président en 1923.
Il est décédé en 1938, à 79 ans.
George S. Lyon Cet article a été publié dans l’édition de mai 2016 du magazine Golf Canada. Pour lire l’article dans le format original, cliquez sur l’image à la gauche. |