Le titre du communiqué se lit : « Le boom du golf en péril? ». Et voici l’accroche : « Pour croître et garder la santé, le golf canadien doit attirer plus de jeunes, mais son avenir est menacé en raison du manque d’orientation de l’industrie du golf, a-t-on entendu jeudi, lors du premier Sommet du golf canadien. »
La date? Le 8 décembre 1989.
Il y a 25 ans, alors rédacteur en chef du magazine SCOREGolf, j’ai organisé et présidé le premier – et, à ce jour, le seul – Sommet du golf canadien. Ouvert au public, cet événement rassemblait les chefs de file des associations nationales de golf et d’autres parties intéressées. Chacun a pu expliquer son rôle dans le contexte du golf et, surtout, participer à des ateliers portant sur des sujets comme la prochaine génération des golfeurs canadiens, le développement et le financement des installations, l’enseignement et l’entraînement, la recherche, et j’en passe. Était réunie une distribution tout étoile de personnes qui, à titre individuel ou comme représentants du golf canadien, étaient directement intéressées par ce sommet.
Il y a peu, j’ai ressenti le besoin de sortir mes dossiers sur ce sommet dans la foulée de propos alarmistes qui, émanant des médias et de l’« industrie », prédisaient la mort imminente du golf. Je ne me suis pas luxé une épaule à force de me taper dans le dos pour me féliciter de ma grande prescience en 1989, mais peut-être me suis-je étiré un muscle…
Puis, j’ai lu The Kingdom of Golf in America de Richard Moss et The Future of Golf in America de Geoff Shackelford.
Le premier ouvrage, écrit par un intellectuel doublé d’un passionné de golf, est un guide historique qui relate le flux et le reflux du golf aux États-Unis; le second est une compilation d’essais par un rédacteur de golf perspicace, aux opinions bien arrêtées. Les deux nous disent sans ambages que les gens qui se soucient du golf ont été ses gardiens en des temps difficiles – pas seulement depuis 25 ans, mais depuis des siècles.
Distiller l’essence de ces deux livres tout en faisant des recherches connexes fut une leçon d’humilité. Pourtant, après mon arrivée à SCOREGolf en 1985, quelqu’un avait attiré mon attention. Tom McBroom, aujourd’hui l’un des architectes de golf canadiens les plus renommés, avait pris quelques heures pour expliquer les faits de la vie golfique au novice que j’étais. À l’époque, m’a-t-il dit, nous étions en plein dans le troisième boom golfique du XXe siècle. Le premier avait eu lieu dans les années 1920, ce que l’on appelle souvent « l’âge d’or » du golf, et le deuxième dans les prospères années 1960. Indéniablement, ces deux vagues avaient atteint un creux après avoir déferlé, mais, cette fois, tout indiquait que le boom serait éternel.
Erreur. Le golf, comme ses adeptes, est un être vivant, qui respire. Comme la nôtre, son existence est faite de cycles. Actuellement, nous sommes dans un cycle négatif. Pour combien de temps? Les paris sont ouverts. Mais cette incertitude est inacceptable à notre époque de « fast-food », où la gratification doit être immédiate.
L’alarmisme et l’opposition systématique sont à la mode. Après avoir entendu des commentaires sinistres en provenance du salon du golf de la PGA à Orlando, en janvier, mon fils de 27 ans m’a passé un coup de fil. Lui et sa fiancée jouent deux ou trois parties par semaine sur un parcours miniature, accompagnés d’amis. « Je voulais juste te dire, papa, que le golf, c’est fini pour nous. On nous dit que ce n’est plus agréable ni cool. » (Bien sûr, il plaisantait, ayant hérité de son père un discutable sens de l’humour.)
Mon fils s’est initié au golf en bas âge, puis, comme beaucoup d’autres, l’a délaissé pour se consacrer à ses études et à la quête d’un emploi. Le voici maintenant rentré dans le rang, et pour toujours, je l’espère. Il a adopté le golf parce que ma femme et moi le pratiquions, et nous-mêmes le pratiquions parce que les parents de ma femme nous avaient donné à chacun un ensemble de bâtons incomplet. Et c’est ainsi que nous nous retrouvions tous les quatre sur le neuf trous local pour y vivre une expérience qui faisait oublier nos scores.
Dans son ouvrage, Richard Moss insiste sur le fait que le sentiment « communautaire » est garant de la vitalité du golf. En lisant ces passages, j’ai souri, me rappelant ces parties de neuf trous avec mes beaux-parents et, plus tard, avec mon fils et son grand-père. Qui gagnait? Je ne me rappelle pas. Et je m’en fiche. En dernière analyse, nous avons tous gagné.
Telle est l’essence du golf. Et le golf survivra malgré les prédictions sinistres qui ont actuellement cours. Celles-ci, comme l’histoire le prouve, ne sont qu’un rabâchage, mis au goût du jour, de rengaines dont on nous a rebattu les oreilles durant les nombreuses périodes où le golf a subi un déclin – chaque fois temporaire, ne l’oublions surtout pas.
« Nous avons vu l’ennemi et c’est nous », constatait il y a longtemps un personnage de bande dessinée. Nous sommes tous à blâmer pour certaines carences du golf d’aujourd’hui – jeu lent, parcours trop difficiles, droits de jeu trop élevés – mais elles ne sont pas gravissimes. On peut y remédier avec un peu de soin et d’attention, sans procéder à une chirurgie invasive. Si vous aimez vraiment le golf, vous vous sentirez personnellement responsable.
Protégez-le. Adoptez des initiatives inspirées du sens commun comme « Partir des tertres avancées ». Appuyez Premiers élans CN, Golf en milieu scolaire et la Fondation Golf Canada. Créez ce sentiment communautaire si cher à Richard Moss en invitant un jeune, votre conjoint ou conjointe ou un ami à jouer avec vous. Et gardez la foi dans le golf et dans son avenir. Votre acte de foi ne sera pas déçu, une fois de plus.
À PROPOS DE JOHN GORDON
John Gordon est un touche-à-tout du golf canadien depuis 1985, année où il a été nommé rédacteur en chef du magazine SCOREGolf. Son curriculum vitae est à cet égar d éloquent. Après SCOREGolf, il a été Directeur des communications et des services aux membres de Golf Canada et a mis sur pied le magazine Golf Canada. En 1994, il est devenu rédacteur de golf à temps plein. Il a écrit huit livres, a tenu une chronique dans le Toronto Sun et dans le National Post et a rédigé d’innombrables articles pour des publications de golf. Il a été analyste de golf à Rogers Sportsnet pendant huit ans avant de se joindre à ClubLink, l’un des plus importants propriétaires-exploitants de terrains de golf au monde, où il a structuré le service des communications et relancé le magazine d’entreprise ainsi que le site Web.
En 2014, John est revenu à la rédaction à temps plein, et il collaborera régulièrement à golfcanada.ca. Vous pouvez le suivre sur Twitter à @gordongolf.