Golf amateur

Des parcours juniors, conçus pour le plaisir

(Golf Canada)

L’oeuvre de l’architecte de parcours Ian Andrew comprend, entre autres, la restauration des emblématiques Highlands Links de Nouvelle-Écosse et l’aménagement du parcours Bleu de Laval-sur-le-Lac, au Québec, avec son partenaire concepteur Mike Weir. Mais tout en réalisant ces projets d’envergure, l’architecte de Brantford (ON) continue de caresser un rêve plus modeste, celui de créer un parcours pour enfants seulement. Cette idée lui tient tellement à coeur qu’il accepterait de réduire ses honoraires, ou même de le faire gratuitement.

Ian Andrew envisage un aménagement simple, sans pièges et peu coûteux, où les jeunes débutants pourraient s’initier au golf facilement tout en s’amusant. Il est d’avis que les enfants de 5 à 12 ans seront plus intéressés et plus susceptibles de continuer à jouer s’ils font leurs premiers pas sur un parcours à leur échelle, correspondant à leur niveau d’habileté. « Si l’on veut vraiment faire progresser le golf, c’est le genre de choses qu’on doit faire », affirme ce père de deux golfeurs adolescents, Cam et James. Son idée n’est pas nouvelle, ni même originale. Le club de golf historique de Gullane, par exemple, dans l’East Lothian en Écosse, a ouvert un 6 trous pour enfants en 1910. On y permet aux adultes de jouer seulement s’ils sont accompagnés d’un enfant. Mais des parcours comme celui-là sont rares, surtout en Amérique du Nord. Bien qu’on y trouve de nombreux parcours raccourcis, dits « exécutifs », ou à normales 3, ceux-ci comportent généralement des pièges comme des fosses de sable et des obstacles qu’il faut survoler. Bref, ils ne sont pas si conviviaux pour les jeunes, malgré leur longueur abrégée. Ian Andrew souhaite changer cela, ne serait-ce que dans le cadre d’un projet pilote ou expérimental. Il aimerait collaborer avec un club ou une municipalité, peut-être avec l’appui fi nancier d’une entreprise qui soutient le golf canadien, pour créer un parcours de golf junior. « Il faut un agent catalyseur, dit-il, et je crois bien que ça peut se faire.

L’architecte de parcours a eu la prevue qu’un tel aménagement destiné aux enfants pouvait fonctionner quand il a emmené ses fi ls jouer au Fanshawe Golf Course, le golf municipal de London, en Ontario, qui comprend un parcours raccourci de 9 trous en plus de ses 36 trous de longueur réglementaire. Le petit parcours, construit au fond d’une ancienne gravière, n’est pas, en soi, un parcours pour enfants – il a été construit à l’intention des golfeurs aux capacities physiques limitées. Mais ce parcours illustre bien ce qu’Ian Andrew rêve de créer : aucune fosse de sable ni vert exagérément pentu, pas d’obstacle d’eau et aucun risque de perdre une balle. Que des allées, des verts et des trous, le tout sommairement entretenu. Lors de leur visite à Fanshawe, Ian a fait une première partie avec ses fi ls, puis ceux-ci sont allés jouer de leur côté, parfois seuls, parfois ensemble. Leur père estime qu’ils ont fait le tour du parcours 32 fois en un étourdissant après-midi de golf. D’habitude, ils se lassaient au bout de neuf trous. « C’est formidable de voir à quel point ils embarquent dans le jeu quand ils n’ont pas à respecter tous ces machins ennuyeux qu’on leur impose », observe Ian, ajoutant que, quand il est question de golf pour enfants, moins c’est plus. « Je ne m’attendais pas à cette réaction de leur part et ça m’a montré que c’était exactement ce qu’il nous fallait. »

Le parcours de Fanshawe a été inauguré il y a 15 ans. Les distances aux trous vont de 40 à 110 verges. Droits de jeu? Aucun. Le professionnel en chef du club, Rob Vincent, dit que ce petit parcours attire une gamme élargie de joueurs, des juniors aux séniors en passant par les golfeurs en fauteuil roulant (les verts sont plus fermes à dessein pour supporter les roues étroites, et les tiges des drapeaux sont plus courtes pour faciliter leur retrait). Les enfants qui viennent y jouer sont généralement accompagnés d’un parent. « Un endroit comme celui-là, où l’on peut faire des coups cochés et des roulés, et où les petits golfeurs en herbe peuvent frapper des balles sans patrouilleur pour les surveiller ni parents qui leur poussent dans le dos, je trouve ça génial », avoue Rob Vincent. Pendant qu’Ian attend que l’occasion se présente – ce qui est presque arrivé à Richmond (C.-B.) quand Weir et lui ont propose à la ville d’ajouter quelques trous pour les enfants au parcours municipal projeté, mais l’entente n’a pas été conclue – d’autres vont de l’avant et proposent une alternative qui donne à peu près le même résultat. En effet, certains parcours canadiens ajoutent ce qu’ils appellent des « tertres familiaux », c’est-à-dire des jalons de depart au milieu des allées, loin devant les departs avancés et ceux destinés aux femmes.

Les promoteurs du golf junior estiment cette solution plus pratique que les parcours construits expressément pour les jeunes. « Nous n’avons ni l’espace, ni les ressources nécessaires pour construire des parcours destinés aux enfants », affi rme Brad Ewart, un professionnel de Coquitlam (C.-B.) qui agit comme directeur des tournois de la Canadian Junior Golf Association (CJGA) en Colombie-Britannique. « Nous disposons déjà de milliers de terrains de golf où les enfants peuvent jouer. » La CJGA propose des lignes directrices pour l’aménagement des tertres familiaux sur les parcours des clubs qui désirent le faire. Les enfants de 7 ans, par exemple, devraient jouer neuf trous sur une distance de 1 110 à 1 150 verges où la normale 4 moyenne se fait dans une fourchette de 85 à 135 verges. Les parcours du Granite Golf Club et de York Downs dans la banlieue de Toronto, ainsi que celui de Glencoe à Calgary, ont été parmi les premiers à adopter cette initiative lancée en 2011, et la PGA of America dispose d’un programme semblable de parcours pour la famille. Brad Ewart précise que les clubs n’ont pas besoin de lignes directrices pour établir de tels parcours.

Ils n’ont qu’à se servir du gros bon sens pour placer quelques jalons dans les allées. « Tout membre de la PGA [du Canada] qui a mérité sa carte de member devrait savoir où les mettre », ajoute-t-il. C’est aussi très économique : un petit carré tondu à ras, marqué simplement d’une roche peinte. Les seuls obstacles à cette initiative, selon Ewart, ce sont les parents trop ambitieux qui exigent que leurs enfants cognent au max à partir des tertres de départ ordinaires, et les clubs de golf qui se soucient peu des jeunes. Mais Andrew et Ewart sont tous deux d’accord sur un point : l’important est de donner aux jeunes la possibilité de réussir. La normale devrait être un score atteignable – ce qui est impossible pour la plupart des enfants de 8 ans, même à partir du tertre des dames. C’est le même raisonnement que celui des animateurs du mouvement « partir des tertres avancés » chez les adultes, où les golfeurs du dimanche sont invités à raccourcir le parcours pour obtenir de meilleurs scores et accélérer le jeu. « Si on aménage un parcours plus court, le jeune golfeur sait qu’il peut atteindre le vert d’une normale 4 en deux ou trous coups, soutient Ewart. Il va faire la normale, réussir des oiselets ou jouer des bogeys, pas des huit, neuf et 10 coups. » Pour les débutants, un tel succès est garant de plaisir, comme l’a observe Ian Andrew chez ses fi ls qui ont réussi leurs premiers oiselets et normales sur le parcours raccourci de Fanshawe. « C’est parce que ce n’était pas trop compliqué pour eux et qu’ils ont connu la réussite, dit-il, que la fi èvre du golf s’est emparée d’eux. » N’est-ce pas le rêve de tous ceux qui ont à coeur de gagner une nouvelle génération de golfeurs et d’en faire des mordus à vie?