Le défi, pour Maude-Aimée LeBlanc, n’a jamais été le manque de talent.
La Sherbrookoise sait exploiter l’effet de levier que lui donne sa grande taille (1 m 84) pour propulser un élan qui la classe au 8e rang du Circuit de la LPGA en matière de distance moyenne des coups de départ, à près de 270 verges, soit trois derrière la meneuse Lexi Thompson.
Depuis le début de sa carrière, la golfeuse de 28 ans démontre son habileté, remportant le Championnat canadien junior féminin et le Junior Orange Bowl International en 2006, ainsi que le Championnat par équipes en Division I de la NCAA pour l’Université Purdue en 2010.
Le défi de LeBlanc n’est pas non plus l’éthique de travail.
Avant de prendre le départ au KPMG Women’s PGA Championship de 2016, plantée à l’extrême gauche du terrain d’exercice du Sahalee Country Club pour s’entraîner, elle était entourée de spectateurs venus voir cette grande femme frapper long coup après long coup.
La foule s’est ensuite dispersée pour aller regarder les autres golfeuses jouer leur ronde et, au détour du 9e trou, ils ont pu voir LeBlanc toujours au même endroit, toujours en train de frapper ses longs coups…
LeBlanc possède un immense talent pour le golf, qui s’est manifesté dès l’âge de cinq ans, quand son père Gaston l’a initiée au jeu. Et ce ne sont certes pas la motivation ni la détermination qui manquent chez elle.
Non, le grand défi de la golfeuse et ce, depuis ses tout débuts, c’est son tempérament bouillant et la difficulté qu’elle a à maîtriser le feu qui l’anime. Elle avoue elle-même que c’est son pire ennemi, pire que les obstacles du parcours, la distance au trou ou même ses concurrentes.
Lors du Championnat amateur féminin des États-Unis, en 2009, LeBlanc a déclaré au magazine Golfweek : « Je crois que j’ai le plus mauvais caractère, ici. »
Plus tard, cet été-là, la golfeuse amateur a quitté le parcours en furie à l’Omnium féminin Canadien Pacifique après avoir envoyé sa balle dans l’obstacle d’eau au 36e trou, inscrivant un double bogey et succombant au couperet par un coup de trop. Elle en a perdu le sommeil, ruminant pendant des semaines ce coup dans la flotte du Priddis Greens Golf Club, à Calgary.
L’année suivante, alors qu’elle étudiait à Purdue, on a jugé inacceptable son attitude autodestructrice sur le parcours. LeBlanc était au 6e rang des golfeuses au pays lorsque le coach Devon Brouse l’a renvoyée au pavillon après 11 trous dans la deuxième ronde de la Classique Tiger/Wave, à La Nouvelle-Orléans, à cause de sa conduite antisportive. Elle affichait 11 coups au-dessus de la normale, à ce moment-là. Brouse a plusieurs fois mentionné le « manque de respect » de la golfeuse pour expliquer sa décision.
Deux mois plus tard, LeBlanc menait l’équipe de son université, les Boilermakers, à la victoire au championnat national de la NCAA.
L’athlète québécoise sait bien de quoi il retourne. Elle comprend qu’elle ne maîtrisera pas le jeu tant qu’elle n’apprendra pas à contrôler cette pression qui menace son talent et son éthique de travail.
La pression, sous diverses formes, est un des facteurs déterminants du jeu et de la vie de LeBlanc, ces temps-ci, à bien des égards.
« Je m’impose toujours des normes très rigoureuses et je suis très dure envers moi-même, dit-elle. J’y travaille encore. »
LeBlanc admet que, quand elle n’est pas à la hauteur, elle sent monter la pression et abandonne son plan de match.
« Quand je suis dans une mauvaise passe, si je n’ai pas joué aussi bien que je le voulais cette semaine-là, ajoute la golfeuse, je me mets à douter de ce que je fais. C’est ce qui nuit le plus à mon jeu, tous ces doutes qui m’assaillent, car c’est là que je fais des changements que je ne devrais pas faire. »
LeBlanc travaille avec son entraîneuse actuelle, Diane Lavigne, sur toutes les facettes de son jeu, mais surtout sur la gestion de la pression.
Et elle fait des progrès. Issue du programme d’équipe nationale de Golf Canada, LeBlanc est devenue professionnelle en 2011 et a obtenu sa carte de la LPGA dès son premier essai en Q-School. Après une grave blessure au dos qui a interrompu sa carrière pendant deux saisons, elle a dû refaire ses classes sur le Circuit Symetra en 2015. Là, cinq finales dans le top 5 en 22 tournois lui ont valu un retour au Circuit de la LPGA l’an passé.
Gênée par une blessure à l’épaule gauche au début de la saison 2016, LeBlanc a terminé son année de belle façon, résistant au couperet 13 fois de suite et inscrivant son meilleur résultat en carrière avec une 11e place ex æquo en clôture de la Classique Marathon, ce qui lui a permis de conserver sa carte pour 2017. Elle a aussi démontré une belle constance à l’Omnium féminin Canadien Pacifique l’année dernière en inscrivant 69-69-70-69 pour finir É14 à Priddis Greens, incidemment.
En 2016, LeBlanc a récolté plus de la moitié de ses presque 300 000 $ en carrière – soit 173 443 $ – pour conclure la saison 81e au classement des gains.
Autre statistique éloquente : le 28 mars 2016, LeBlanc était classée 415e au monde. Un an moins un jour plus tard, elle était au 182e rang après une ascension de 233 places.
La clé, pour la golfeuse, a été de mieux gérer la pression, non seulement celle qu’elle s’impose, mais aussi celle de sa prise de bâton. Ses progrès au tableau suivent de près l’amélioration notable de ses coups roulés.
« Ce qui m’a le plus aidée, sur les verts, s’est avéré ce qu’il y avait de plus simple, la pression de ma prise, dit-elle. J’ai tout simplement modifié ma façon d’exercer la pression de certains doigts sur la poignée, et cela fait toute la différence du monde. Ma constance aux coups roulés s’accentue chaque semaine. »
Plus précisément, elle s’est concentrée sur le relâchement des trois derniers doigts de sa main droite, « ce qui les dégage du coup et donne un angle plus franc à la face du bâton », explique-t-elle.
En 2013, LeBlanc se classait 109e rang du Circuit de la PGA aux coups roulés, avec une moyenne de 30,56 roulés par ronde. Montée au 75e rang l’année dernière (29,97), elle est au 59e après avoir retranché un tiers de coup à sa moyenne qui est maintenant de 29,60 roulés.
« Une lumière s’est allumée et depuis, ça va vraiment bien », dit-elle de ses coups améliorés.
Forte de cette révélation, elle a décidé d’appliquer la même technique à son élan complet.
« Je tente de garder une prise légère, avec très peu de pression, et de détendre mes bras, de relâcher la tension durant l’élan, explique LeBlanc. C’est là-dessus que je travaille le plus. C’est plus difficile que ça en a l’air, à l’élan complet. Pour moi, en tout cas. »
« Mais je sens que les choses vont mieux, surtout quand je me fais plus confiance au jeu et cesse de me mettre des bâtons dans les roues, conclut-elle. Il faut que je veille à tous ces petits détails tout en me simplifiant la vie sur le parcours et en tâchant de ne pas trop me mettre de pression sur les épaules, ce qui est sans doute le plus difficile. »
Bref, c’est d’une touche allégée que LeBlanc avait besoin, et en toutes choses.
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Cet article a été publié dans l’édition juin 2017 du magazine Golf Canada. Pour lire l’article dans le format original, cliquez sur l’image.